lundi 24 janvier 2011

Un Nouvel Hymne!!!!!?





En 2008, Cyril Mokaiesh se conjuguait au pluriel, en groupe porte flambeau d’un rock en français lettré, magnétisant avec ardeur des textes d’une extrême virtuosité et des guitares instinctivement animales. La vingtaine à peine entaillée, le quatuor purgeait alors ses désirs adolescents avec un empressement réjouissant, ne pensant pas encore aux lendemains qu’il faudrait tôt au tard raccorder à ces premières prises électriques. Les choses sont allées très vite : un premier album cinglant et prometteur, des concerts de la même trempe, puis des vues qui divergent qui aboutissent fatalement à une rupture à l’amiable. Cyril Mokaiesh, leader aux envies trop amples pour tenir dans les coutures étroites du rock, admirateur de Ferré, Brel ou Barbara, aura voulu mieux coordonner sa musique avec ses goûts.

Aujourd’hui, Mokaiesh se conjugue au singulier avec son prénom, sur un deuxième album dont le style se situe quasiment à l’opposé du premier même si on y retrouve intacts son sens lyrique et sa fougue. En reprenant les choses à la racine, Cyril a commencé par dépouiller ses chansons de tout artifice, à les repenser entièrement en se donnant plus d’espace afin de laisser mieux respirer ses textes.

Sa rencontre avec l’arrangeur et réalisateur Philippe Uminski va bouleverser ses certitudes qu’il faudrait forcément en passer par le dénuement pour se faire entendre. Uminski, sa double culture pop/chanson française, son sens aigu des orchestrations vibrionnantes, c’est exactement le genre de partenaire qui manquait à Cyril pour satisfaire son ambition. A savoir inventer en 2010 une chanson à texte qui rivalise en majesté avec celle de l’age d’or, mettre à jour cet art sacré de l’écriture poétique et musicale dans une perspective moderne.



Un premier essai fut tenté sur l’emblématique Mon époque, sorte de numéro de trapèze aux limites du vertige entre Les Anarchistes (Ferré) et La Valse à mille temps (Brel), et si Cyril fut d’abord déboussolé par le résultat, très vite la conviction que la voie ainsi tracée était la bonne s’imposa à lui. Avec le décidément doué Uminski comme révélateur et le studio ICP pour laboratoire, une halte par Ferber pour les cordes, un groupe cette fois pleinement au service des chansons, l’alchimie de tardera pas ainsi à donner de prodigieux résultats. Le mordant ironique de Communiste, en plus de son irrésistible puissance mélodique, montre qu’une chanson engagée 2.0 s’accompagne aussi d’une certaine forme de détachement lucide.

Cyril a aussi beaucoup écouté Nougaro et Trenet, suffisamment pour éviter de chausser les semelles de plomb de la révolte basse de la frange. Véritables modèles de constructions aériennes, portées par un élan pop, Le sens du manège, Des jours inouïs ou Tes airs de rien ont conduit Mokaiesh à délier sa voix, oubliant les convulsions d’hier pour s’adonner aux plaisirs d’un chant fluide et séducteur. La richesse musicale d’un orchestre d’une vingtaine d’âmes, les guitares acoustiques et l’infiltration discrète mais remarquable d’instruments baroques (orgues ou clavecins) apportent également une clarté nouvelle aux paroles, « un peu de bleu » ciel dans le « rouge » et les « passions » d’une prose qui n’a pourtant rien perdu de sa densité romantique.

Admirateur de Paul Eluard autant que d’Henri Miller, Cyril a su tracer une voie médiane et personnelle entre l’exaltation du désir de l’un et la violence charnelle de l’autre. Comme dans son interprétation il aura sur tempérer l’ardeur d’un Ferré par une dose de satiné à la Sheller (Nos yeux), logiquement accompagnée d’un goût assumé pour l’épique mais aussi, au besoin, d’une retenue romanesque au piano (Du rouge et des passions). A 24 ans, Cyril Mokaiesh impressionne déjà comme certains des maîtres qui l’ont éveillé à l’écriture de chansons et, en ayant osé détruire les murs des guitares qui lui encombrait la vue, il a tout désormais pour regarder très loin.

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